Cancer du poumon : comprendre les raisons d'une mortalité toujours élevée

15 septembre 2025

Une réalité qui persiste : le poids du cancer du poumon en France et ailleurs

Le cancer du poumon demeure, année après année, l’un des cancers les plus meurtriers en France. Selon Santé publique France, il représente plus de 33 000 décès par an pour quelque 50 000 nouveaux cas détectés, soit un taux de mortalité nettement supérieur à celui de la plupart des autres cancers (Santé publique France, 2023). Dans le monde, il est aussi la première cause de décès par cancer chez les hommes et la deuxième chez les femmes (IARC, 2022).

Mais pourquoi ce cancer, pourtant connu et étudié depuis longtemps, reste-t-il aussi difficile à combattre ? Plusieurs éléments se conjuguent : des causes bien identifiées mais persistantes, un diagnostic souvent tardif, des symptômes peu spécifiques, et des avancées médicales qui, bien que réelles, restent parfois en deçà des besoins.

Les causes : un ennemi tenace, le tabac (mais pas seulement)

Le facteur principal du cancer du poumon reste le tabac, responsable d’environ 80 à 90 % des cas en France. Fumer multiplie le risque par 10 à 15 par rapport à une personne non-fumeuse. Mais il serait trop simpliste de résumer ce cancer à cette seule cause.

  • Tabac : Plus la consommation est ancienne et importante, plus le risque est élevé. Même le « petit fumeur » n’est pas à l’abri.
  • Exposition professionnelle : L’amiante, le radon, certains hydrocarbures ou métaux lourds, présents dans certains milieux professionnels, expliquent aussi nombre de cas – souvent en synergie avec le tabac.
  • Pollution atmosphérique : L’air pollué, surtout dans les grandes villes, augmente le risque, surtout chez les personnes vulnérables et sur le long terme (OMS, 2022).
  • Facteurs génétiques : Certes rares, des cas sont expliqués par une prédisposition familiale ou des mutations génétiques spécifiques.

Chaque année, on observe d’ailleurs une hausse des cas chez les femmes, en lien avec l’augmentation du tabagisme depuis les années 1970 – une tendance préoccupante et encore trop méconnue (Ligue contre le cancer).

Un diagnostic souvent trop tardif

Une caractéristique majeure du cancer du poumon est son dépistage tardif. La plupart des personnes découvrent ce cancer à un stade avancé, parfois alors que des métastases se sont déjà développées.

Pourquoi ce diagnostic tardif ?

  • Symptômes trompeurs : Toux persistante, essoufflement, fatigue… autant de signes peu spécifiques et souvent attribués à autre chose (bronchite, vieillissement, etc.).
  • Absence de douleur : Contrairement à d’autres cancers, le poumon n’a pas d’innervation sensitive importante. Le malade ressent peu ou pas de douleur au début.
  • Dépistage peu systématique : Aujourd’hui, il n’existe pas de programme de dépistage généralisé pour le cancer du poumon, comme c’est le cas pour le sein ou le côlon.
  • Stigmate du tabac : Il n’est pas rare que les personnes, conscientes de leur tabagisme, hésitent à parler de certains symptômes, parfois par peur d’être jugées ou culpabilisées.

On estime ainsi que dans plus de 60 % des cas, le cancer du poumon est diagnostiqué à un stade métastatique, ce qui réduit nettement les chances d’une guérison (Société Nationale Française de Gastro-Entérologie).

Des progrès, mais une prise en charge complexe

La recherche s’est accélérée. Les traitements ont évolué, notamment avec l’arrivée de l’immunothérapie et des thérapies ciblées. Néanmoins, la complexité biologique du cancer du poumon rend la tâche ardue.

Des formes variées et une évolution imprévisible

  • Deux grandes familles : Cancer bronchique à petites cellules (CBPC) et cancer non à petites cellules (CBNPC). Chacune a ses spécificités, son rythme d’évolution, et ses stratégies thérapeutiques propres.
  • Mutations génétiques nombreuses : Certaines sont connues (EGFR, ALK, ROS1…), d’autres restent à découvrir. Elles compliquent la personnalisation du traitement.

La notion de « terrain fragilisé »

Les patients atteints de cancer du poumon sont souvent plus âgés et présentent d’autres maladies (cœur, diabète, poumons…) liées au tabac ou à l’âge, ce qui complique la tolérance des traitements et la prise en charge globale.

En 2020, la survie à 5 ans en France après un cancer du poumon était de 18 % chez les hommes, et 24 % chez les femmes (INCa, Institut National du Cancer), contre plus de 80 % pour le sein ou la prostate. La mortalité lié à ce type de cancer reste donc nettement supérieure.

Le défi du dépistage : un enjeu de taille

Pourquoi n’a-t-on pas de campagne de dépistage organisée, alors que le cancer du poumon cause tant de décès ?

  • Absence de test simple et fiable : Contrairement à la mammographie ou au test du côlon, aucun test sanguin ou examen rapide n’a encore prouvé son efficacité à grande échelle.
  • Trouver les « personnes à risque » : Le dépistage cible principalement les gros fumeurs (ou anciens gros fumeurs), mais il n’est pas évident d’identifier toutes les personnes concernées.
  • Scanner thoracique : Le scanner à faible dose est aujourd’hui la piste la plus prometteuse. Mais son usage systématique soulève des questions :
    • Surdiagnostic : identification de nodules bénins, sources d’inquiétude inutile et d’examens complémentaires.
    • Problème de surcoûts et d’organisation à grande échelle.
    • Manque de recul sur les bénéfices à long terme dans la population générale (HAS, Recommandation 2022).

Ces limites expliquent que le dépistage du cancer du poumon concerne, pour l’instant, essentiellement les personnes jugées à très haut risque, dans le cadre d’essais cliniques ou de consultations spécifiques.

Quelles avancées pour demain ?

Malgré ces difficultés, il existe des signaux encourageants. Le développement de l’immunothérapie a permis des gains de survie, en particulier pour certains profils de patients. De même, des tests génétiques permettent désormais de cibler plus finement les traitements.

Depuis quelques années, on observe aussi une amélioration de la prise en charge globale : meilleure information auprès du public, coordination ville-hôpital, soutien psychologique, lutte contre la stigmatisation. L’implication des proches et le travail des associations sont des soutiens précieux pour traverser cette épreuve.

  • Lieu de vie : Un élément trop peu connu : la qualité de la prise en charge initiale varie selon les régions. L’accès rapide à un centre expert améliore les chances de survie (INCa).
  • Accompagnement : L’accompagnement personnalisé apporte un réel bénéfice pour la qualité de vie, notamment grâce aux soins de support (diététique, psychologues, activité physique adaptée).

Vivre dans le Cotentin : quels enjeux, quelles ressources ?

Dans notre région du Cotentin, le cancer du poumon est effectivement un enjeu important. Le tabagisme reste élevé, surtout chez les plus de 55 ans. L’accès au scanner et à la pneumologie s’est amélioré ces dernières années, mais il existe toujours un délai pour accéder à certains examens ou spécialistes, notamment en dehors des grands centres urbains.

Des initiatives locales méritent d’être connues :

  • Campagnes d’information et d’accompagnement au sevrage tabagique, soutenues par la CPAM et des associations comme la Ligue contre le cancer.
  • Consultations « d’oncologie de proximité », permettant un lien direct entre les médecins généralistes, les spécialistes de Cherbourg et les patients.
  • Groupes de parole ouverts aux malades et à leurs proches, pour sortir de l’isolement et rompre le silence souvent associé à cette maladie.

Il reste du chemin à faire, particulièrement en matière de prévention et d’accès à des essais cliniques, mais l’engagement du territoire est réel.

Espoirs et mobilisations : l’importance d’agir ensemble

Le cancer du poumon concentre, à lui seul, bien des défis. Chaque année, il rappelle la violence de la maladie, mais aussi les progrès accomplis et l’importance de la mobilisation collective.

Qu’il s’agisse de stopper le tabac, d’oser consulter en cas de symptômes persistants ou de demander un soutien psychologique, il n’y a pas de « petit combat ». L’avenir se construit aussi grâce à la recherche, à la solidarité entre soignants et habitants, et à la volonté d’offrir à chacun des soins dignes et accessibles.

  • Garder espoir : L’innovation médicale ne cesse de progresser.
  • Se faire accompagner : Ne pas rester seul face aux doutes, aux peurs ou au diagnostic.
  • Se soutenir localement : Les ressources existent, y compris dans le Cotentin, pour accompagner toutes les étapes du parcours.

Comprendre pourquoi le cancer du poumon reste l’un des plus meurtriers, c’est aussi réaliser à quel point l’information, la prévention et l’accès à des soins de qualité sont cruciaux. Là est notre plus grande force, et notre plus beau défi collectif.